Quand l’almanach prédisait le temps … à l’année

Prévoir la météo à l’année, c’est possible : les almanachs l’ont fait !

Le vent décoiffe... Le Messager de la Beauce et du Perche, 1860. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

Le vent décoiffe… Le Messager de la Beauce et du Perche, 1860. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

        Depuis l’avènement de la société des loisirs et des week-ends à rallonge, la « météo » s’est imposée à la radio et à la télévision comme une valeur sûre des informations. D’abord l’état du ciel ! Avant ou après la grand-messe du journal télévisé, des millions de téléspectateurs sont à l’affût du temps du lendemain et des trois ou quatre à jour à venir. Prudente, Météo-France donne un indice de fiabilité qui va de un à cinq. Aucun météorologue sérieux ne s’aventure à annoncer le temps pour les mois à venir.

       Au XIXe siècle, les almanachs n’ont pas ces précautions. Vendus dès novembre par les colporteurs, ils annoncent  sans complexe le temps du 1er  janvier au 31 décembre de l’année suivante… Cette tradition remonte au XVIIe siècle  quand un certain Mathieu Laensberg, qui aurait été chanoine à Lièges, lance l’almanach  Le Liégeois. Son succès est fulgurant. Devenu une référence, il suscite en France des contrefaçons aux noms ronflants comme le  Double véritable Liégeois.

Matthieu Laensberg et la lunette astronomique. Le Messager de la Beauce et du Perche, 1874. Dessin de Hoyau. Cliché et détour Alain Denizet.

Matthieu Laensberg et la lunette astronomique. Le Messager de la Beauce et du Perche, 1874. Dessin de Hoyau. Cliché et détour Alain Denizet.

       L’Astrologue de la Beauce et du Perche, L’Ami du Foyer ou encore Le Messager de la Beauce et du Perche, tous les almanachs de notre région sacrifient à la prédiction météorologique à l’année. Un mot ou deux, à la définition élastique, suffisent aux « astrologues » pour définir le temps d’une journée : « beau »,
« air doux », « calme », « chaud », « orageux », « pluie » ou encore… « variable ». Le pronostic a toutes les chances de correspondre à un moment ou un autre de la journée ou à une partie du département…

       Ainsi, les inondations de janvier 1853 étaient prévisibles puisque Le Messager avait annoncé « des pluies continuelles » du 1er au 23 janvier. Les chartrains pouvaient anticiper le gel du 1er janvier 1875, l’almanach ne prédisait-il pas « un froid vif et piquant au sortir du lit » ? Mais le grand écart apparaît quand il y a des excès climatiques. Deux exemples choisis entre mille suffiront : Le Messager prévoit « beau » le 20 et 21 juin 1861 alors que de violents orages ravagent tout le département et la « neige » annoncée le 26 janvier 1884 prépare mal les chartrains à affronter un ouragan…

On se gêle ! Le messager de la Beauce et du Perche, 1856. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

On se gêle ! Le messager de la Beauce et du Perche, 1856. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

         Certains almanachs publient leurs prévisions sans s’interroger sur leur valeur. Le Messager de la Beauce et du Perche est plus critique. En 1859, son directeur annonce qu’il y met un terme. C’est qu’un débat agite les rédacteurs de l’almanach pris en tenaille entre leurs convictions et les demandes de leurs lecteurs…  D’ailleurs, rappelle cet almanach catholique, le temps est d’abord l’affaire de Dieu. « Remercions le grand Maître du soleil et de la pluie de nous donner tantôt l’un, tantôt l’autre ». Pour faire venir le temps adéquat, ajoute-t-il, rien ne vaut les processions et les prières.

      Mais les prévisions reviennent deux ans plus tard : les colporteurs ont reçu des volées de bois vert des lecteurs. Ceux-ci, d’abord des paysans, veulent avoir une indication sur le temps à venir pour se prémunir des catastrophes : et si, annonçant un terrible orage,  l’almanach avait raison ? C’est une garantie supplémentaire à une époque ou l’assurance n’est pas encore répandue dans tous les foyers. Si les pronostics ont quelque crédit, c’est parce qu’ils ont une probabilité d’être considérés comme justes… (Un peu comme l’horoscope…)

        Si Le Messager de la Beauce et du Perche consent à accorder quelques pages aux prévisions du temps, il les moque et les démystifie à coups de griffes ironiques. Ainsi, en 1876, il explique à ses lecteurs le secret de leur fabrication : « Ne croyez pas aux pronostics… Si vous saviez de quelle manière ils sont faits, vous poufferiez de rire.  Six ou huit mois avant le commencement de l’année dont il faut prédire le temps, le faiseur de pronostics prend sa plume, puis suivant le caprice de son imagination il indique le temps de chaque jour selon les saisons ».

Le grand parapluie. Le Messager de la Beauce et du Perche, 1860. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

Le grand parapluie. Le Messager de la Beauce et du Perche, 1860. Dessin de Hoyau. Cliché et détour, Alain Denizet.

      Mais aux côtés des charlatans, des savants affirment pouvoir prédire le temps sur l’année à partir de données scientifiques. L’un d’eux, Mathieu de la Drôme, fonde ses raisonnements sur des milliers de statistiques qui s’appuient sur les relations de cause à effet entre la pluviométrie et le lever et le coucher de la lune. Son almanach a un succès phénoménal : plus de cent mille exemplaires par an. Mais la météorologie officielle de l’Observatoire de Paris n’a que mépris pour ses sornettes. Son directeur, Urbain Le Verrier, est à l’origine de la météorologie moderne et… sérieuse.

article paru dans l’almanach 2015  » Le beauceron ».  Editions CPE.

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