Simon Lavo est né en Beauce, à Germignonville en 1755, mais il meurt bien loin de ses terres. Chirurgien major de l’expédition Lapérouse, il disparait au printemps 1788 lors de la tempête qui emporte La Boussole et l’Astrolabe dans le Pacifique au large de Vanikoro.
Pourquoi un beauceron est-il devenu chirurgien major de la marine ?
Rien ne prédestine le jeune Simon à la navigation. La famille est implantée en terre de Beauce depuis au moins le début du XVIIe siècle et son père pratique la double activité de marchand et de laboureur. Simon Lavo exerce d’abord son activité de chirurgien à Germignonville. Pour peu de temps car dès 1777 il fait ses premiers pas dans la Marine. Ce changement de cap peut s’expliquer par un double contexte national : d’une part, les règlements imposent un nombre croissant de chirurgien par navire ; d’autre part, le conflit franco-anglais aux Indes ainsi que la guerre d’Indépendance américaine requièrent des effectifs d’une importance telle que les chirurgiens « entretenus » sortis des trois Écoles de santé navale ne suffisent pas. On recrute donc massivement des chirurgiens civils dits « de levée ». Dont Simon Lavo.
Retenu par Suffren…
En 1779, Simon Lavo participe à la tentative avortée de débarquement en Angleterre. En 1780, il est capturé au large d’Ouessant avec 72 autres blessés après un combat contre les anglais. Libéré, il est retenu de 1781 à 1784 pour la campagne des Indes sur le « Héros », vaisseau du bailli de Suffren. Responsable des hôpitaux à terre et au feu lors des batailles navales que Suffren livre contre les anglais, il donne toute la mesure de son talent. À la suite de ces trois années de campagne, Simon Lavo est félicité par Suffren qui écrit au ministre : « Si tous les officiers de santé lui eussent ressemblé, l’escadre aurait perdu infiniment moins de monde ». Ce dernier lui obtient une rente de 600 livres par an et une distinction exceptionnelle : un brevet du roi l’établissant chirurgien ordinaire de la marine de Brest.
… et choisi par Lapérouse pour la grande expédition
Grâce à ses qualités, à son expérience et à ses appuis en haut-lieu, Simon Lavo est choisi pour participer à la plus grande expédition maritime du siècle dirigée par Lapérouse et de Langle.
Il s’agit d’explorer le Pacifique, d’affiner le contour des cartes, d’étudier les mœurs des peuples inconnus et de rapporter de nouvelles espèces végétales. Le départ de la « Boussole » et de « l’Astrolabe » est prévu le 1er août 1785 de la rade de Brest. Mais avant de partir, Simon Lavo vient à Germignonville pour donner procuration à son frère dans la gestion de ses biens. C’est la dernière fois qu’il voit les siens. Quel a été le rôle de Simon Lavo pendant les trois années de cette expédition hors du commun ?
Chirurgien major et hommes des Lumières
Il accomplit avec succès sa fonction première qui est de veiller à la santé des équipages. Aucun marin ne souffre du scorbut. De Langle s’en félicite auprès du ministre de la marine en 1787 : « J’ai beaucoup d’éloges à vous faire du sieur Lavaux » qui contribue par sa « prévoyance à la bonne santé de mon équipage ».
Simon Lavo participe aussi à la mission scientifique. Pendant les relâches à terre, « il prend des connaissances en botanique et en histoire naturelle et fait des collections pour le cabinet du roi. » En outre, il a « une sagacité particulière pour s’exprimer et comprendre les langues étrangères » qu’il met à profit en composant un lexique, lequel permet à Lapérouse d’établir le contact avec les habitants des îles Kouriles, situées au nord du Japon.
Les périls du voyage et le naufrage à Vanikoro
Mais le voyage n’est pas sans périls. Après avoir réchappé de peu à une attaque des indiens à la baie des Français en Alaska, Simon Lavo doit être trépané à la suite d’un terrible affrontement dans le Pacifique sud entre les « naturels » des îles Samoa et 60 membres de l’expédition dont 22 trouvent la mort.
Le 10 mars 1788, l’expédition lève l’ancre de Botany Bay, en Australie, mais la traversée du Pacifique est fatale aux deux bâtiments qui se fracassent sur les récifs de l’île de Vanikoro. Le mystère de la disparition de Lapérouse commence. En 1826, Peter Dillon découvre les restes de l’épave de l’Astrolabe dont on sait qu’une partie de l’équipage survécut.
Simon Lavo a-t-il survécu ?
Selon le récit de Jefferson Jacobs édité à New York en 1844, Simon Lavo et d’autres rescapés, partis de Vanikoro, auraient abordé les îles Vitu au nord de la Nouvelle-Guinée-Papouasie après une odyssée de 2 000 km.
Simon Lavo y aurait fait souche. L’auteur affirme en effet y avoir rencontré sa fille et son fils. Cette hypothèse est séduisante, mais ne repose que sur un témoignage tardif que pour l’heure rien ne vient étayer. Rêvons : si elle était confirmée Simon Lavo, le beauceron de Germignonville serait ainsi le seul rescapé connu de l’expédition Lapérouse[1]
Note
[1] A ce sujet, Simon Lavo, chirurgien major de Lapérouse in les navigateurs d’Eure et Loir. SAEL 2007.