Les Jeunesses Patriotes prônaient une République autoritaire et, avec d’autres ligues, elles avaient participé à l’émeute antiparlementaire du 6 février 1934. Une frange active lorgnait même vers le fascisme. Le 20 janvier, la section chartraine accueillait salle Sainte-Foy cent-cinquante de ses militants venus en bus de Paris ainsi que Pierre Taittinger, député et fondateur de la ligue – et accessoirement patron des champagnes du même nom.
En réaction, et malgré l’interdiction de tout défilé par le maire, un « Front commun », associant syndicats et partis de gauche, avait appelé à une mobilisation contre « le fascisme » place du Marché-aux-Chevaux. Du pavé montaient « l’Internationale » et le slogan « Les Soviets partout[1] ». En raison des tensions prévisibles, les autorités avaient déployé des forces de l’ordre, prêtes à s’interposer. Ce dispositif céda au départ des trois cars des Jeunesses Patriotes.
Un premier coup de feu claqua place du Chatelet, prélude à une véritable fusillade dont le récit diffère selon les témoins et l’appartenance politique. Sur la foi d’une déclaration du secrétaire général de la préfecture, Le Matin rapporta que les Jeunesses Patriotes, installées sur les plateformes des autobus, sortirent leurs armes et « tirèrent une trentaine de coups de feu sur la foule ».
Version réfutée par les militants d’extrême droite qui crièrent au guet-apens : une grêle de briques et de pierres, lancée au milieu de cris hostiles, s’était abattue sur le convoi qui avait été ensuite revolvérisé. Les enquêteurs recueillirent dix-huit douilles de cartouche, des balles de revolver et des morceaux de vitre. Dans les bus – fouillés à Paris seulement… – on trouva un revolver et quantité de matraques – des « cannes » argua Taittinger dans le journal La Liberté. Un Chartrain fut blessé par balle à la jambe, un militant d’extrême droite à la tête.
La polémique déchira la presse du département. La Dépêche d’Eure-et-Loir, accusée par L’Indépendant de Maurice Viollette de pactiser « avec les fascistes de l’étranger », considéra au contraire que la responsabilité des évènements incombait aux journaux socialistes, communistes et radicaux socialistes qui avaient lancé des appels provocateurs ».
Relatés par la presse nationale, objets d’une prise de bec à l’Assemblée nationale le 25 janvier, les évènements de Chartres[2] s’inscrivaient dans le climat politique électrique des années 1930. Le 4 mars encore à Chartres, la manifestation du Parti agraire finit en émeute tandis que, le 22 juin, le meeting des Croix de feu à Fresnay-le-Gilmert rassemblait 20 000 personnes[3].
Les Jeunesses Patriotes furent dissoutes en décembre 1935 mais ressuscitèrent sous le nom de Parti national et social, puis de Parti républicain national et social (PRNS).
[1] Poussés par « les voix conjuguées des troupes de MM. Viollette, Blum et Cachin ».
[2] Le 4 mars à Chartres, la manifestation du Parti agraire finit en émeute. Le 22 juin, le meeting des Croix de feu à Fresnay-le-Gilmert rassemble 20 000 personnes.
[3] A ce sujet, Alain Loison