1939 : fraude au bac en Eure-et-Loir

Rumeurs de fraude

Depuis le mardi soir, la rumeur affolait les lycéens de première qui passaient la première partie du bac : « quelqu’un », de Paris, avait informé certains candidats des questions qui allaient être posées le lendemain : en physique, le microscope ; en composition française, dans quelle mesure reconnaît-on le philosophe dans la vie et l’œuvre de Voltaire ? De fait, quand le mercredi, les enveloppes cachetées furent ouvertes, on se trouva bien en présence des sujets qui avaient été éventés. Des parents avisèrent le proviseur du lycée Marceau qui fit aussitôt un rapport à l’Académie de Paris

Lycée Marceau, dans les années 1930.

La faute à « Paris »

Après enquête, il fut établi que la fuite émanait d’un professeur d’une école libre parisienne. Le directeur de l’Office central du baccalauréat mis les points sur les « i ». La fraude ne venait pas de ses services puisque les sujets, choisis par le doyen parmi ceux proposés par des professeurs désignés, étaient déposés dans « une pièce blindée d’où elles ne sortent que la veille pour la province et un quart d’heure avant les examens pour Paris ». Mais rien ne pouvait éviter les « fuites verbales » de professeurs ayant proposé des sujets ou les supputations de certains répétiteurs de « fours à bachot » de la capitale car – est-ce différent de nos jours – « il y a toute une faune qui vit du bachot ».

L’affaire portée à la Radio

Le scandale gagna Le Matin et les ondes nationales. Le jeudi, un journaliste du « Poste-Parisien » révélait aux auditeurs la tricherie d’un « professeur libre ». Craignant un malentendu néfaste à sa réputation, L’Institution Notre-Dame de Chartres se fendit d’un communiqué dans les journaux. Par « professeur libre », des auditeurs avaient compris « professeur de l’enseignement libre » et même par extension, « professeur de l’Institution Notre Dame ».

Classe de collégiens-lycéens, 1930-1931, à Mulhouse. Prise de vue : Ad astra, Mulhouse.

Un diplôme qui ne « vaut plus grand-chose »

La deuxième session pour laquelle concourraient vingt-six mille candidats en France – et à peine deux cents en Eure-et-Loir se tint en novembre[1].  L’examen ne fut donc pas annulé. À quoi bon ? Le 31 mai 1939, avant la supposée fraude, Le Matin tirait à boulet rouge sur le bac : « ce diplôme ne vaut plus grand -chose… Autrefois, il ouvrait toutes les portes. Aujourd’hui, il n’est plus qu’un moyen d’accéder à l’enseignement supérieur ». Le quotidien concluait ainsi son article… aux résonnances très actuelles : « En vérité, il n’y a pas un problème du baccalauréat. Il y a un problème de l’avenir de la jeunesse et il n’est pas facile à résoudre ».

Qu’en pense les bacheliers d’aujourd’hui ?

Caricature des années 30… Le candidat perplexe. DR.

Note

[1] En 1898, il avait été délivré 7670 diplômes de bachelier et en 1935 12 000. Un-tiers des candidats viennent des lycées privés. En 2019, 750 000 candidats s’étaient présentés,  88% furent reçus.