L’honneur retrouvé de Michelina Molocznik

A l’origine, le manuscrit d’Olivier Cojan

En novembre 2023, Olivier Cojan obtenait le Prix du Manuscrit de la Beauce et du Dunois pour « Souvenirs perdus », publié en 2024 sous le titre « Celle qui sont dans les étoiles » (Ella Editions).

Ce roman s’inspire d’un fait tragique survenu lors de la Libération de Nogent-le-Phaye en août 1944. Michelina Molocznik, épouse Faisant fut d’abord tondue avant d’être exécutée sans procès le 22 août par de pseudo-résistants, dirigés par un acteur de cinéma, Roger Duchesne, bombardé chef des FFI peu de temps après son arrivée dans le village. Sur la « foi » de rumeurs infamantes, Michelina Faisant était soupçonnée d’avoir aidé des soldats allemands à fuir en leur fournissant des habits civils.  Elle avait 35 ans, était mère de cinq enfants. Son corps fut jeté dans la fosse commune et ce n’est qu’en février 1945 qu’elle eut une sépulture dans le cimetière du village où elle avait été tuée.  

Le soir de la remise du prix, Olivier Cojan avait évoqué le devoir de rendre tout son honneur à cette femme assassinée. Vœu exaucé puisque les 21 et 22 août 2024 la commune de Nogent-le-Phaye avait organisé deux événements, le premier pour dévoiler les faits, le second pour commémorer.

Les deux évènements du 21 et 22 août 2024 à Nogent-le-Phaye

Le  21 août, cent personnes assistèrent à la conférence dont au premier plan Marcel Faisant, le fils de Michelina, deux de ses petites-filles et des arrières petits-enfants.  Au second rang, Gérard Leray, Olivier Cojan et Bruno Duval. Le lendemain, dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la Libération de Nogent-le-Phaye, un hommage solennel fut rendu à Michelina Molocznik au cimetière devant sa tombe. Benjamin Beyssac, le maire, le fils de Michelina, deux petites-filles déposèrent des fleurs. Une minute de silence suivit.

Lors de la conférence, Olivier Cojan décrivit le parcours de Michelina Molocznik, immigrée polonaise arrivée en France en 1929, sa vie très difficile, proche de la misère car son mari était un simple employé agricole et il y avait cinq enfants à nourrir ; il expliqua comment l’idée du roman s’était imposée à lui après avoir rencontré sa petite-fille à la bibliothèque de Nogent-le-Phaye. 

Gérard Leray, co-auteur notamment de « La Tondue, 1944-1947 », évoqua le contexte de la Résistance dans le département d’Eure-et-Loir ( soulignant ses faibles effectifs jusqu’en 1944 )  et celui de l’épuration sauvage à Nogent-le Phaye, mais aussi à Nogent-le Rotrou et à Sancheville.

Enfin, Bruno Duval  – qui prépare un livre sur Roger Duchesne – , dessina le portrait de cet acteur de second plan, beau gosse, mais sans morale et sans foi. Duchesne avait quitté Paris et ses fréquentations dans le monde de la collaboration – dont le sinistre Lafont –  pour se refaire une « virginité » à Nogent-le-Phaye où résidait sa mère.  Ce triste personnage  fit ses malles pour Paris à la fin août quelques jours après l’assassinat de Michelina. Il écopa de quelques mois de prison, mais bénéficia d’un non-lieu de la part du tribunal militaire en 1946.

S’il y eut environ, selon Gérard Leray, 250 femmes tondues en 1944 en Eure-et-Loir, Michelina Molocznik est la seule qui fut exécutée. Nous ne savons pas combien il y a de femmes tondues et exécutées en France lors de l’épuration sauvage ni si certaines d’entre elles ont été, comme Michelina Faisant,  » réhabilitées ». Quatre-vingt ans après les événements, le sujet est encore très sensible.

Le livre d’Olivier Cojan

Avec son mari Tintin, Adrienne a fréquenté le gotha de la collaboration pendant les années d’occupation, années d’insouciance avec fêtes au champagne. Peu à peu, elle libère sa conscience d’un secret de ces années noires.  Jeanne, sa domestique, devenue au fil du temps une amie recueille ses souvenirs perdus…

Le livre d’Olivier Cojan mêle le drame bien réel de Michelina Molocznik à une fiction – très crédible – qui met en scène une femme rongée par un souvenir de l’été 1944 où plane l’ombre de Roger Duchesne.