Un prêtre exemplaire
Enfant de la campagne beauceronne, le jeune Joseph entre au petit séminaire de Saint-Chéron à Chartres en 1884 à l’âge de 13 ans. Élève brillant, il poursuit ses études au grand séminaire jusqu’à son ordination. A 27 ans, il est nommé curé de Chatenay en 1898. Pour tous, paroissiens et supérieurs, il est un prêtre modèle.
Disparition du curé, raz de marée médiatique
Le 24 juillet 1906, sans aucune explication, sans le moindre indice, il disparaît. Montée en épingle dans le contexte de la loi de séparations des Églises et de l’État, l’affaire fait les choux-gras de la presse pendant des mois. D’autant que face à l’incurie de l’enquête officielle, les titres à sensation dépêchent sur place devins indiens, hypnotiseur et dompteur de hyène afin d’élucider ce qui est devenu « le mystère de Châtenay : crime ou fugue ?
Crime ou fugue ?
Pour les anticléricaux, le curé de Châtenay est parti « en bombe ». Traduisons : il s’est enfui avec une femme. A moins qu’il ait trempé dans une sombre affaire financière comme son confrère de Nogent-le-Rotrou quatre ans plus tôt.
De leur côté, les cléricaux défendent la thèse du crime : le chapeau et le vélo du curé n’ont-ils pas été retrouvés dans des bois près d’Etampes ? L’assassinat a aussi pour « avantage » de préserver la réputation du disparu et du même coup celle de l’Eglise. En cette année 1906, cruciale pour son avenir, l’institution a besoin de tout, sauf d’un scandale.
L’enquête, qui avançait à la vitesse de l’escargot, connait à la fin du mois d’août une subite accélération. Un témoignage tardif désigne comme coupable le dénommé« homme de Toury » : le soir du 24 juillet, il est arrivé dans une auberge de ce bourg beauceron, les vêtements rougis par le sang et l’air hébété. Le juge conclut à l’assassinat et clôt son instruction le 23 septembre. L’arrestation est une question d’heures.
Cérémonie funèbre sans cercueil.
Le 24 septembre, deux mois après la disparition du curé, la famille peut procéder à une cérémonie funèbre. Mais sans cercueil : le corps est resté introuvable.
« La journée ne s’écoulera pas sans que la lumière peut-être soit faite sur le mystère de Châtenay », écrivait Le Gaulois ce même jour.
En effet.
Au-delà des incroyables rebondissements, ce fait divers interroge sur le pouvoir de la presse, sur le célibat des prêtres et la morale sexuelle de l’Eglise. Et plus largement sur l’influence des religions sur les hommes et sur les femmes.
En savoir plus : « Le roman vrai du curé de Châtenay » , éditions Ella.