Faisons un petit retour en arrière au temps du vélocipède à… Chartres au moment où les coureurs du Tour de France ont le nez dans le guidon
Vélocipède : La mode est lancée
L’Exposition universelle de 1867 avait consacré l’engin à pédale. Le 31 mai 1868, la première course officielle se tint dans le parc de Saint-Cloud sur une distance de 1 000 mètres avec la participation remarquée du Prince impérial. La vogue était lancée.
Un an plus tard, le 8 août 1869, Chartres se mettait au diapason en organisant ses premières compétitions dans le clos Saint-Jean. Le journal de Chartres, qui relate l’événement, rappelle la passion pour ce nouveau moyen de déplacement et de loisir : « Le vélocipède est le véhicule à la mode, il fait fureur, il envahit les promenades et les (…) rues de nos villes ». Toutefois, l’almanach Le Messager de la Beauce et du Perche n’y voit « qu’un amusement qui, né comme beaucoup d’autres au milieu de l’engouement, s’éteindra bientôt dans la plus complète indifférence ».
Huit courses au clos Saint-Jean
Les courses ont lieu devant un public curieux qui s’est acquitté d’une entrée de trois francs, hors de portée des petites bourses. On aperçoit dans les tribunes réservées « un grand nombre de dames en élégantes toilettes » venues applaudir les exploits des « velocemen parisiens [qui ont] répondu avec empressement à l’appel des Chartrains ». Commencées à trois heures, les courses se prolongent jusqu’à six heures en présence du préfet à qui revient la remise des lots. Une chorale et une fanfare assurent les intermèdes sur des airs de polka.
Des vainqueurs et des prix !
L’épreuve des 1 290 mètres est remportée en 4, 29 minutes par le parisien Moore[1] à qui échoit le premier prix, une « riche carabine de salon ». Le second est le Chartrain Desandre récompensé par « une boite de cent Londres », des cigares de luxe. Carabine et tabac : les récompenses ont aujourd’hui changé…
Huit courses se succèdent, deux d’entre elles ont des concurrents sélectionnés ; la première sur 640 mètres, réservée aux enfants, est remportée par une Chartraine « digne descendante des amazones » ; la seconde n’accepte que les inscriptions des « vélocemen » du département. Ne boudant pas finalement son plaisir et saisi par le vertige de la vitesse, Le Messager de la Beauce et du Perche écrit : « Ce fut plaisir de voir ces jockeys[2] de toutes couleurs dévorant l’espace avec leurs bicycles rapides »
Après le vélocipède, le vélo !
Après le vélocipède, vint le règne de la bicyclette. À ses débuts, elle est étroitement associée à l’aristocratie qui dirige d’ailleurs les premières organisations vélocipédiques. C’est pour les élites un nouveau signe de distinction[3]. Puis au début du siècle, production de masse et réduction des prix aidant, la petite reine se démocratisa. Elle participa au désenclavement des villages, permit à l’ouvrier agricole de rentrer chez lui au lieu de dormir à l’écurie, à l’élève d’aller à son école, au jeune homme d’aller conter fleurette dans le bourg voisin. À sa manière, elle contribua avec le train à l’élargissement des horizons et à une plus grande autonomie des individus.
Notes
[1] Vainqueur en 10 heures et 34 minutes de la course Paris-Rouen, le 7 novembre 1869, considérée comme la première grande compétition cycliste.
[2] Cavalier monté sur son cheval d’acier, le vélocipédiste adopte une tenue sportive qui emprunte à celle de l’équitation. C’est pourquoi les compétiteurs sont coiffés d’une casquette de jockey.
[3] Son prix, qui varie entre 150 et 1 000 francs, la réserve à une élite fortunée.