Mercredi 22 janvier, 15 heures 30, Bonneval. Une 403 se gare rue de Grève non loin de la succursale du Crédit Mutuel. L’épouse du directeur fait ses comptes avec sa petite fille à ses côtés. Son mari est absent, en déplacement à Alluyes. Il n’y a aucun client.
Hold-up ultra rapide
Tout à coup, trois individus masqués font irruption. Le premier saute par-dessus le comptoir, braque son arme sur la caissière, la somme de lui remettre le million de francs de la caisse. Dans le même temps, un second gangster se rue dans le bureau du fond, celui du directeur où repose le coffre-fort. « Ouvrez-le en vitesse et pas un mot », ordonne-t-il à l’épouse terrorisée qui s’exécute. La combinaison composée, la porte s’ouvre. Quatre millions sont enfouis dans une serviette.
Puis, les trois hommes s’engouffrent à bord de la 403 où les attend un quatrième complice. Tout indique que le braquage est l’œuvre de professionnels : son extraordinaire rapidité – deux minutes -, la parfaite distribution des rôles, la maîtrise de la situation, la froide détermination et en amont, une affaire bien combinée. Les malfrats avaient opéré pendant la période où les employés de l’hôpital psychiatrique venaient chercher leur salaire. Le coffre était plein.
Les « Dalton » introuvables…
Voleurs, certes, mais voleurs éduqués car l’épouse donna ce détail curieux qu’ils l’avaient vouvoyée… En dehors de cette information, elle ne fournit qu’un vague signalement des trois bandits : un assez grand, un moyen et un petit. Comme les Dalton. La 403, volée le matin à Blois à l’aumônier de la prison, fut retrouvée le lendemain à un kilomètre de Bonneval au lieu-dit de la Louveterie, à proximité d’un cours de tennis. De là, une seconde voiture les attendait.
Les barrages de gendarmerie ne donnèrent rien et la principale témoin à qui les pandores présentèrent « l’album de famille » – c’est-à-dire le répertoire des photos des suspects en puissance – ne reconnut pas en Nonce et Ange Lucarroti et Albert Bergamelli les hommes qui l’avaient braquée.
Cerveau de l’affaire : Bernard Madeleine, « caïd des caïds », de Bonneval à Soulac
L’enquête piétina jusqu’ à ce qu’en juin 1964, la police appréhende Bernard Madeleine au « Whisky à gogo », un cabaret de Soulac. Archétype du bandit à l’ancienne qui se vantait de ne pas avoir de sang sur les mains, surnommé le « Caïd des caïds », il avait bénéficié en 1961 d’une libération conditionnelle qu’il avait mise à profit pour écumer les banques. Il retourna au mitard pour quelques années… C’était un habitué.
Un parcours, un livre, un film de Melville, des mémoires
Né dans le Calvados en 1920 au Fresne-Camilly, il avait été interné dès douze ans dans un bagne pour enfant dont il s’était évadé. Début du drôle de jeu du chat et de la souris, entre cellule, évasion et cavale. José Giovanni, s’est inspiré de son parcours pour son roman « le deuxième souffle » publié en 1958, cinq ans avant le hold-up de Bonneval. De ce livre, Jean-Pierre Melville fit un film dans lequel Lino Ventura, impeccable, incarne un Bernard Madeleine mutique.
Au soir de sa vie, « le roi de l’évasion », sous l’insistance d’Alphonse Boudart écrivit ses mémoires, sobrement intitulées « Monsieur Madeleine ». José Giovanni en fit la préface. Le gangster de Bonneval est décédé en 2011 à 91 ans après avoir passé quarante-six ans en prison.