As de la voltige de la base aérienne de Chartres
Longtemps consacrée à la formation des pilotes, la base aérienne de Chartres abritait depuis 1923 les activités du 22eme régiment. Les chartrains étaient donc habitués au ronronnement des aéronefs survolant le ciel. Si les accidents étaient assez fréquents, ils se produisaient en périphérie ou dans les campagnes environnantes et jamais la cité Carnute n’en avait été le théâtre. Jusqu’en 1925.
Le plus sidérant eut lieu le 13 mai. Le Petit Journal et Le Petit Parisien – plus de deux millions d’exemplaires par jour – en firent leur une, photographie à l’appui. Ce jour, le lieutenant Simon s’était envolé de la base de Villacoublay pour rejoindre ses camarades du 22ème régiment d’aviation de Chartres. C’était la première fois qu’il avait en main un Dewoitine D1 C1, avion rapide, entièrement métallique et très maniable. Dans les airs, il se livra, comme de coutume, à des acrobaties.
En vrille à la verticale de la cathédrale
L’as de la voltige atteignit Chartres vers 10 heures et effectua à huit cents mètres d’altitude un dernier numéro. Au looping succéda une descente à la verticale afin d’exécuter une vrille, et comme le sol se rapprochait à vue d’œil, Simon voulut redresser son appareil mais, le manœuvrant trop rudement, le fit se cabrer d’un coup. Il était alors à l’aplomb de la rue du Bois-Merrain.
À la seconde, rapportèrent les témoins, il y eut un bruit semblable à du métal brisé mêlé à celui du moteur qui tournait encore ; d’autres parlèrent d’une explosion. L’enquête confirma que la cause de l’accident était le « désentoilage » des ailes provoqué par un redressement trop brusque.
Quoi qu’il en soit, les toits des immeubles, du Palais du vêtement et du lycée de jeunes filles furent criblés de débris d’aileron tandis que, sous les yeux horrifiés des passants, le reste de l’appareil s’abattait à une vitesse folle sur la place de la Poissonnerie, à l’angle de la maison du Saumon [du « Chaumont », orthographia Le Matin : la ligne téléphonique devait chuinter…]. Juste devant le tertre qui mène à la basse-ville. A cent petits mètres de la cathédrale.
Un mort et deux miracles à l’ombre de la cathédrale
Sous l’amoncellement indescriptible des débris, on devinait le corps déchiqueté du pilote que les secours eurent toutes les peines du monde à extraire de la carlingue. La cathédrale, la maison du Saumon et le pensionnat de jeunes filles Gohon avaient été épargnées par le crash. C’était un premier miracle. Il y en eut un second, plus incroyable encore : la place de la Poissonnerie, animée d’habitude par les commerces et les jeux des enfants, était à cette heure déserte.
Plaque commémorative et curieuse épitaphe
» Il a payé de sa vie sa folle imprudence », écrit Le Petit Parisien. Pourtant, Une plaque commémorative fut apposée à l’endroit même de l’accident en 1926. Y est inscrite cette curieuse épitaphe, « mort pour la France ». Ce qui troubla quelque peu. Le pilote était mort en temps de paix en se livrant à des acrobaties qui n’était pas inscrite dans le cadre de sa mission. « L’imprudence folle » aurait pu s’achever en drame.
D’autres accidents aériens
Le 15 octobre, un appareil Farman du même régiment d’aviation s’envolait du camp d’aviation et, prenant de la hauteur, se dirigeait sur Chartres. Soudain, un des moteurs cala, puis un second. L’avion qui était à 80 mètres de hauteur parvint à se poser en catastrophe dans le bas du cimetière arrachant de ses ailes les croix et les ornements des tombes. Miracle encore : un jeune peintre occupé à travailler sur l’un des caveaux eut la présence d’esprit de se déporter sur le côté alors qu’une aile menaçait de l’envoyer ad patres.
En 1928, Il n’y eut point de miracle. Ruelle de la Madeleine, à Saint-Chéron, l’avion qui s’écrasa sur la tonnelle d’une maison, tua un père qui déjeunait en famille.
En savoir plus : site de référence http://bibert.fr/Joseph_Bibert_fichiers/BA%20122_Souvenirs.htm