Hellé Nice, acte I, 1919-1929 : des plaines de Beauce à l’Olympia.

Olympia, décembre 1927 :  le journaliste n’a d’yeux que pour elle. C’est Hellé Nice, « naïade, renversée, abandonnée, ballante toute nue et toute fleurie[1] ».  Elle est alors une danseuse de revue en vogue. Elle deviendra une pionnière  et une star de la compétition automobile. Rien ne prédisposait cette fille des champs à son parcours hors-norme.

Acte de naissance de la future Hellé Nice, née Hélène Delangle. Archives départementales d’Eure-et-Loir. 3E 013/017.

A Aunay-sous-Auneau, fille d’un facteur de campagne

Elle est née Hélène Delangle à Aunay-sous-Auneau le 15 décembre 1900, au cœur de la Beauce. Le train de vie de la famille est modeste, mais la petite maison est équipée du téléphone communal car son père est facteur. De santé fragile, il décède en 1904. Issu d’un milieu défavorisé, il avait montré la voie en se hissant par le travail au-dessus de sa condition. Vive et intelligente, la petite Hélène fait merveille à l’école du village. Qu’il lui faut quitter en 1915 avec son frère Henri et sa sœur Solange pour suivre sa mère qui emménage à Saint-Mesme avec le nouvel homme de sa vie. Hélène s’y morfond quelques années, puis à l’orée de ses vingt ans, elle monte à Paris et dans le tourbillon des « Années folles », s’émancipe des corsets de son éducation.

Jeune femme libre à Paris

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Hellé Nice, encore Hélène Delangle, photographiée probablement par Carrère. Source : Miranda Seymour, The Bugatti Queen, 2005, Pocket Books, cahier central. DR.

Jeune femme aux formes parfaites, elle joue les modèles pour René Carrère, artiste publiciste et pose nue. Ses photographies sont vendues aux amateurs de femmes déshabillés. Devinant son talent, Carrère – qui a ses entrées dans le monde du music-hall – l’encourage à prendre des cours de danse. La petite provinciale travaille d’arrache-pied. La voici engagée au Bataclan et au Concert Mayol. Elle a 23 ans, devient une danseuse nue à succès et adopte son nom de scène : Hellé Nice. Selon la légende, elle aurait entendu un anglais dire à son propos : « elle est nice »…

Quand Hélène devient Hellé Nice, danseuse de revue

Chroniques euréliennes Helle Nice

Hellé Nice et Robert Lizet, chorégraphie de Daphnis et Chloë en 1926-7. Source : Miranda Seymour, The Bugatti Queen, Pocket Books, 2005, p. 56. DR.

Désormais personnalité du « Tout Paris », la native d’Aunay-sous-Auneau donne un nouvel essor à sa carrière en 1926 en s’associant au danseur et acteur Robert Lizet. Le couple se produit sur les grandes scènes parisiennes. Leur chorégraphie de Daphnis et Chloë – une adaptation de l’œuvre de Maurice Ravel – fait sensation à l’Olympia : « Un des plus beaux couples de danseurs que nous ayons vu depuis longtemps », écrit Paris-Soir. Le 9 décembre 1927, elle est annoncée avec son partenaire dans un gala au Casino de Paris avec Maurice Chevalier.

Chroniques euréliennes, Hellé Nice

Hellé Nice, encore Hélène Delangle. Une des photographies qu’elle aimait le plus Source : Miranda Seymour, The Bugatti Queen, 2005, Pocket Books. DR.

Curieuse de tout, Hellé Nice et surtout des voitures de course…

Cette femme libre cultive une autre passion : l’automobile. Titulaire du permis de conduire depuis ses vingt ans – une exception alors – elle multiplie les voyages avec sa Citroën achetée avec ses premiers gains. Mais cette voiture sage l’ennuie. Au tout début des années 20, elle a rencontré Henry de Courcelles. Elle avait eu des amants, Henry est son premier amour. Il lui fait découvrir son univers, celui des courses automobiles[2].  En 1921, elle l’accompagne à Brighton, sur le circuit de Brooklands. C’est la première fois qu’elle quitte le sol français, la première fois aussi qu’elle entend rugir le moteur d’une Bugatti.

Gérard de Courcelles sur Hinstin au Grand Prix de l’UMF Cyclecars 1921. A droite, au 24 du Mans en 1926. Source : wikipédia. DR.

Intrépide, avide de sensations, ne s’interdisant rien, surtout les sports « réservés aux hommes », Hellé Nice s’initie à l’escalade, gravit le Mont Blanc, goûte le bobsleigh, pratique le tennis et la natation, épate ses amis au ski.

La fin des années « 20 » est un tournant. En 1929, elle se blesse au genou lors d’une descente en ski. Contrainte de mettre un terme à sa carrière dans le music-hall, elle part à l’assaut d’un monde où les femmes sont comptées : la course automobile.

Notes

[1] Paris Soir 27 janvier 1927

[2] Henri de Courcelles meurt en 1927 à la suite d’un accident lors d’une compétition à l’autodrome de Linas-Montlhéry.

En savoir plus :  Miranda Seymour, The Bugatti Queen, in search of a motor-racing legend, Pocket Books, 2005.

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