Comme Reims état aux mains de ses ennemis les Ligueurs, Henri de Navarre avait choisi la cathédrale de Chartres pour être sacré et devenir ainsi Henri IV. Le 27 février 1594, l’évêque lui appliqua l’onction sainte et déposa la couronne sur sa tête. Une facétie de l’histoire fit revenir cette dernière en Eure-et-Loir, non à Chartres, mais à Châteaudun trois siècles et demi plus tard.
Début d’une odyssée royale…
Collectionneurs érudits, les époux Bellanger avaient acquis en 1955 une tête momifiée. Elle était réputée être celle d’Henri IV. Depuis, elle reposait dans le grenier, au bas d’une armoire de leur résidence, enveloppée dans du papier journal. Comment le chef royal était-il arrivé dans la cité dunoise ?
Séparée du tronc pendant la Terreur en octobre 1793 lors de la profanation de la nécropole royale de Saint-Denis, la tête avait sans doute rejoint dans une fosse commune les ossements des autres monarques. Après moult péripéties, elle avait été soldée pour trois francs en 1919 lors d’une vente à l’hôtel Drouot à un brocanteur de Dinard convaincu de sa ressemblance avec le portrait du « Vert Galant ». Ses prétentions faisaient rire et, en 1946, Le Louvre refusa tout net que le crâne intègre ses collections.
La « tête d’Henri IV » à Châteaudun
L’auguste relique dormait à Montmartre sous le lit de la sœur du brocanteur (qui depuis était mort) quand, en 1955, les Bellanger qui la pistaient en firent l’acquisition pour 5 000 francs. C’est ainsi que la tête présumée royale élut domicile à Châteaudun. Pendant cinquante ans, les Bellanger s’employèrent à en démontrer l’authenticité. De nombreux indices concordaient : une cicatrice aux lèvres, le lobe de l’oreille droite percé – le roi avait une boucle d’oreille – et surtout la correspondance parfaite entre le crâne et le moulage réalisé à la mort d’Henri IV : grand front, gros nez et menton carré.
Cependant, les années passant, et malgré des recherches méthodiques, aucune preuve indiscutable ne venait valider la thèse des Bellanger. Les études approfondies de la médecine légale et les exploitations de l’ADN dépassaient leur compétence et leur budget….
La « tête d’Henri IV » soumise aux experts
Par un hasard miraculeux, le couple est contacté en 2008 par Stéphane Gabet, documentariste, qui avait eu vent de leur précieuse relique[1]. Il convainc les Bellanger de la leur céder afin qu’elle passe aux mains des experts.
Alors ? Le 8 janvier 2011, L’Écho Républicain annonça le scoop : une équipe pluridisciplinaire conduite par Philippe Charlier, se fondant sur un faisceau de vingt indices médico-historiques, avait validé l’authentification à 99,9%.
Mieux encore : en 2012, la même équipe identifia un profil génétique commun entre des prélèvements d’ADN extraits de la gorge d’Henri IV et du sang séché attribué à son lointain successeur, Louis XVI, prélevé dans une gourde, propriété d’une famille d’aristocrates italiens, où aurait été conservé un mouchoir imbibé du sang royal après la décapitation du 21 janvier 1793…
À en perdre la tête ?
Ces analyses laissèrent perplexes nombre de spécialistes. Philippe Delorme s’étonna par exemple que le crâne ne soit ni scié ni trépané comme cela se pratiquait pour les embaumements royaux et releva qu’un seul portrait – non contemporain – représentait Henri IV avec une boucle d’oreille[2]. Plus que tout, les analyses ADN étaient contestables[3].
La controverse rebondit en octobre 2013 quand deux chercheurs du laboratoire de Philippe Charlier se désolidarisèrent de ses travaux. La tête d’Henri IV fait tourner celle des experts, s’amusa Sciences et Avenir.
Epilogue l’odyssée du chef royal
Que devint-elle ? Le couple Bellanger en fit don au prince Louis de Bourbon, duc d’Anjou, lointain descendant du Béarnais. La précieuse relique qui avait passé des années dans l’armoire d’un grenier dunois est désormais en sécurité dans le coffre d’une banque espagnole. En attendant de rejoindre la nécropole royale de Saint- Denis. À la condition sine qua non que les preuves soient indiscutables…
Notes
[1] Remarquable documentaire sur ce sujet. https://www.youtube.com/watch?v=0ZenzDH-EEQ
[2] Au château-musée Condé de Chantilly
[3] Livre de Philippe Delorme Tête de Henri IV. Contre-enquête sur une prétendue découverte, Frédéric Aimard Editeur, Yves Briend Editeur, 2013