Le succès de l’almanach Le Messager de la Beauce et du Perche est inséparable d’Auguste Hoyau qui, pendant 60 ans, en fut l’une des plumes et avant tout l’unique illustrateur. Il est pourtant presque oublié. Son nom ne figure ni dans les dictionnaires, ni dans les encyclopédies, ni sur les sites de la toile consacrés aux caricatures et aux almanachs.
Né à Chartres
Né à Chartres le 16 janvier 1821, Auguste Hoyau est issu d’une lignée familiale ancrée dans le monde de l’artisanat. Rien ne prédestine le jeune garçon à être le précurseur de la bande dessinée en Eure-et-Loir d’autant que son cursus scolaire débute par le petit séminaire, abandonné après quelques années. Elève Brillant, il poursuit ses études jusqu’au grade universitaire de bachelier ès lettres. Mais sa vocation, c’est le dessin.
Une vocation contrariée
À ses débuts, nourrissant des ambitions, il collabore à L’Illustration qui publie en 1851 huit types de ses physionomies intitulées Les signes de ponctuation et en 1852 neuf gravures sur l’usage du bâton avec Stop ainsi qu’un travail sur la Comédie humaine réalisé avec Cham, l’un des grands noms de la caricature[1]. Mais l’expérience parisienne tourne court. Hoyau en conçut un grand dépit : « Il rêvait sans doute de se mettre à l’école d’un maître qui l’aurait aidé à développer son talent, mais ses moyens pécuniaires ne lui permirent pas. Ce fut pour Auguste Hoyau un malheur irréparable. En cultivant les aptitudes qu’il avait reçues de la nature, il aurait pu devenir un émule de Daumier, de Gavarni, de Cham[2]. »Hoyau se tourne vers le professorat. Il intègre le collège de Chartres comme maître d’étude de 1850 à 1857 avant d’être nommé professeur de lettres, fonction qu’il occupe jusqu’à la fin de sa carrière.
3 000 dessins pour le Messager de la Beauce et du Perche
Pendant son temps libre, Hoyau s’adonne à sa passion pour le compte de l’almanach Le Messager de la Beauce et du Perche. Publiés de 1850 à 1910, ses dessins rencontrent un grand succès populaire et distinguent Le Messager de ses concurrents : « Je possède, peut-être le seul de tous les almanachs, de jolis petits bonshommes dessinés par une main habile, qui n’ont paru nulle part et qui vous feront pouffer de rire[3]. » Ses 3 000 dessins abordent tous les genres et sont un témoignage unique sur la vie en Beauce et dans le Perche, notamment dans les campagnes, à une époque où la photographie ne s’aventurait pas dans les champs.
Les facettes de son talent
Une première facette de sa malice se déploie avec le calendrier. Mois et saisons sont illustrés en fonction d’un thème : le bonnet, le tablier, l’éclairage, les moyens de locomotion, le temps. Il illustre aussi des histoires dont il est l’auteur. Mais il amène dans son almanach le courant frais de la modernité parisienne. À l’instar de Daumier ou de Cham, il sacrifie aux études d’expressions légendées, croque les travers de ses semblables cède à la mode des types, opposant sur deux vignettes les nouvelles et anciennes générations de cultivateur ou de garde-champêtre.
Précurseur de la bande dessinée
Surtout, il introduit des « petites comédies au crayon et à la plume » dans lesquelles le dessin, accompagné d’une légende ou d’un petit dialogue, préfigure la bande dessinée. Il est de ce point de vue un artiste de son temps. En effet, l’invention du neuvième art, attribuée au suisse Töpffer, ne date que de 1833 et les premières bandes dessinées françaises, œuvre de Cham, avec lequel Hoyau collabora à L’Illustration, paraissent en 1839. Hoyau se lance dans le genre en 1858 avec huit vignettes intitulées : « En revenant du marché ».
Le dessinateur du Messager maîtrise les codes du genre : la centralité du personnage dans le récit, le dessin au trait autographié spontané, le recours aux visages expressifs qui sont censés traduire la personnalité et faciliter la compréhension de la trame narratrice et un texte court en complément du dessin. Généralement, une vignette et son texte correspondent à une page de l’almanach, mais Hoyau sait se délier de cette contrainte. En 1886, la mise en situation des « tribulations du père Futaille » agence plusieurs dessins par page. Le père Futaille a gagné à la loterie. Mais l’argent qui coule à flot ruine sa vie et son équilibre d’antan. La troisième vignette le présente revenant au labeur d’autrefois…
La période qui s’étire de 1858 – première bande dessinée – à la fin des années « 80 » – les tribulations du père Futaille – est la plus productive et la plus créatrice du dessinateur chartrain.
Un artiste jugé mineur.
Si ses dessins firent le bonheur des lecteurs, Hoyau fut pourtant considéré comme un artiste mineur. Le Journal de Chartres leur trouve « un tour un peu vieillot[4] ». Et l’auteur de sa nécrologie parue dans Le Messager de la Beauce et du Perche en 1913 ne fait pas dans l’apologie : » S’étant formé lui-même, il est resté caricaturiste pour almanach car n’ayant jamais pénétré tous les secrets du dessin, il végéta dans une sorte de médiocrité artistique. » Ajoutant que les amateurs de « dessins artistiques » moquaient ses « barbouillages ». Les lecteurs de cet article apprécieront. Auguste Hoyau s’éteint le 4 octobre 1911 à l’âge de 91 ans.
La collection complète du Messager de la Beauce et du Perche peut être consultée aux archives du département d’Eure-et-Loir. Un régal pour l’amateur d’histoire régionale.
Un dernier dessin, pour rire…
[1] 1 Les dessins de Hoyau sont publiés dans L’illustration le 29 mai 1851, le 4 janvier 1852 et le 21 février 1852. 2 Hoyau est qualifié de « Cham chartrain » par la revue Le Beauceron de Paris dans son numéro de mars 1903, p. 9, BMC PF 14.
[2] Extrait de sa nécrologie. Le Messager de la Beauce et du Perche, 1913.
[3] 1859, avis aux lecteurs.
[4] 8 octobre 1911.