L’interview de Généablog
Comment vous est venue l’idée d’écrire l’histoire de votre ancêtre, l’histoire de quelqu’un qui n’a laissé aucune trace, celle d’un inconnu de l’histoire ?
J’avais entamé des recherches généalogiques, il y a plus de vingt ans, aiguisé par les conversations que j’avais avec mon grand-père, jamais avare de détails sur les temps passés. Là dessus, intervient une coupure avec les archives avec ces presque dix ans de carrière à l’étranger. De retour, je replonge dans les racines et repart à la quête des ancêtres. Avec, tout de même, une interrogation : des milliers d’ancêtres, oui ; mais au total que savais-je vraiment d’eux ?
L’influence d’Alain Corbin
En 1998, Alain Corbin publie son livre sur le sabotier Pinagot : c’est évidemment l’élément déclencheur. J’ai repris sa démarche pour écrire un livre sur le monde et la vie de l’arrière-grand-père de mon grand-père, Aubin Denizet. Ainsi est né « Enquête sur un paysan sans histoire ».
Aubin Denizet était le premier ancêtre sur lequel les mémoires étaient muettes et qui, en dépit de la filiation qui me rattache à lui, m’était étranger. Mon grand-père ignorait même son prénom . Ceci explique, avec mon intérêt personnel pour le XIXe siècle, le choix de lui donner chair et vie plutôt qu’à mes ascendants du XVIIIe et XVIIe siècle.
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Enquête sur un paysan sans histoire : écrire la vie d’un inconnu…
…à partir de rien.
La recherche sur Aubin, « paysan sans histoire » de Germignonville, petit village de Beauce, a débuté avec les informations lapidaires de l’état civil : des noms, des prénoms, des dates et un métier.
Avec ce point de départ minimaliste, je m’inscrivais dans le sillage du livre de l’historien Alain Corbin parti sur les traces d’un sabotier afin d’en retrouver le monde. Les cinquante-cinq années d’Aubin sur terre n’ont laissé aucun sillon visible, volontaire ou involontaire : écrits personnels, objets, affaires de justice ou mémoire des descendants ; rien n’a traversé le temps, à l’exception de sa signature au bas de registres. Je l’ai retrouvée plus de 150 fois : registre d’état-civil, registre des délibérations du conseil municipal, acte de notaire, justice de paix. Son écriture soignée, aux lettres liées, donne à penser qu’il a été quelques années sur les bancs de l’école.
Pourquoi Aubin ?
Cet arrière-grand-père de mon grand-père est le premier de mes ancêtres qui n’avait laissé aucun écho dans les mémoires. Quand j’ai débuté un petit travail de généalogie il y a plus de trente ans, les anciens n’avaient rien à dire sur lui et son prénom même avait été oublié. Malgré la filiation qui me rattache à lui, Aubin m’était étranger. C’était donc sur lui qu’allait porter mes recherches. Pour le connaître enfin.
Constituer un puzzle
Un jeu de patience a permis la collection d’informations que j’ai triées, hiérarchisées puis assemblées à la manière d’un puzzle qui aurait compté des milliers de pièces sans modèle préconçu ni notice de montage. Mais son assemblage était guidé par une règle d’or : Aubin en était la pièce principale autour de laquelle devaient s’ordonner les autres au sein d’un cadre qui aurait ses horizons.
Après cinq ans de recherche et d’écriture….
Avec Aubin, dans le village de Germignonville, un petit monde s’anime : ses proches, c’est-à-dire sa mère, son épouse, son fils Stanislas, ses beaux-frères Gosme ; ses voisins Claye, Riché, Duguet, Lefèvre et Cointepoids ; les notables du village, le baron de Cambray, son régisseur Godin ; la sage-femme Legrand et le vieux Dorson son mari. Sortis aussi de la poussière des archives, ils l’accompagnent encore au fil des pages.